Manoir de la Boulaie/ Laurent Saudeau

"La Masterclass Technique"

Tout le monde peut manger chez Laurent Saudeau​ mais tout le monde ne peut pas comprendre la cuisine de Laurent Saudeau.

Au même titre qu’il existe des différences entre lire une œuvre/voir une toile de maître… et comprendre le propos de l’auteur, l’exégèse gastronomique existe aussi et manger un plat n’est pas la même chose que le comprendre.

Le travail des chefs étoilés est toujours une construction intellectuelle, les ingrédients ne tombant pas tout seul dans l’assiette par hasard, leur assemblage forme un mode d’expression, un discours et ce dernier, pour qui tente de le comprendre, peut parfois paraître sibyllin. Ce postulat admis, il faut bien dire que la cuisine de Laurent Saudeau est une cuisine d’érudit dont le propos peut parfois nous dépasser.

Saudeau c’est plus fort que toi

Ici pas un plat qui ne soient pas estampiller du sceau de la haute technicité, car c’est bien là le domaine d’érudition de Mr Saudeau. C’est à travers elle qu’il exprime sa cuisine, complexe. Le maître boxe clairement ici dans la catégorie poids lourd, tendance champion du monde, et tenter de comprendre son œuvre c’est se lancer dans un combat, rude, intense, et pour tout intellectuel que soit ce combat, vous risquez de ne pas le gagner comme je n’ai pu le faire moi non plus.

Mais comme disait justement Nelson Mandela « soit je gagne soit j’apprends » ici donc vous allez apprendre, vous allez étoffer votre champ des connaissances culinaires, élargir votre horizon même si cet apprentissage peut être déconcertant.

Alors quid de la cuisine en elle même? Elle est évidemment bonne, très bonne par moments, toujours pointue, graphique. Les cuissons? impeccables et les montages sophistiqués.

Le Tour du monde en 80 minutes

Mais la cuisine de Laurent Saudeau n’est pas que cela, c’est aussi une cuisine de l’évasion. Car croyant vous asseoir dans un fauteuil confortable d’une belle demeure bourgeoise des années 20, vous embarquez en faite dans un siège d’avion en catégorie 1ère classe pour un tour du monde d’une durée de près de 3 heures en vitesse « subluminique ». Comme étapes incontournable de se voyage, le Pendjab et ses marchés aux épices, Kyoto et sa cuisine minimaliste, les arrières terres de la vallée du Douro où encore les rivages ensoleillés de la méditerranée. Tant de diversité culinaire en si peu de temps, peut d’ailleurs avoir sur vous les mêmes effets de fatigue qu’un vrai « Jet Lag ». Ce voyage dans la complexité technique s’exprime également dans la multitude d’ingrédients que peut composé une assiette, le plat du Bar et ses plus de 10 ingrédients en est un bel exemple. Il en découle qu’à moins d’avoir forgé un palet parfait je mets quiconque au défi de pouvoir faire l’analyse gustative intégrale de certains plats servis au Manoir de la Boulaie.

Hard Boiled

On se sent aussi humble face à un tel arsenal/déluge de maîtrise technique et de complexité d’accords. Comme l’impression de faire face à une cuisine « vitrine » totalement hors d’atteinte. Même si le facteur émotion est parfois tenu au profit de la technique chirurgicale, on ne peut que saluer in fine la bravoure déployée, les efforts herculéens mis en avant et la volonté de faire passer les ingrédients à travers la grille de la transfiguration technique.

L’écriture de cette critique relève à bien des égards aussi du combat, que j’ai commencé à mener ce samedi soir chez Laurent Saudeau et qui prendra fin que d’ici quelques lignes.

Mais pour tout ce que j’ai appris, pour cette humilité presque blessante que j’ai ressenti face à plus fort et plus intelligent je ne peut que remercier Laurent Saudeau Je le remercie de pouvoir proposé une telle cuisine élitiste, de hausser le propos en faisant le choix de l’intellectualisation face aux partisans de l’émotion brute. (Les deux lignes de conduites étant bien entendu complémentaires et non contradictoire.) Heureusement que sa cuisine existe et le sillage qu’elle contribue à creuser fait avancer la cuisine dans son ensemble. Car à la pointe, à la très fine pointe du couteau se trouve Laurent Saudeau et sa cuisine du voyage, intense et déroutante.

Manoir de la Boulaie

• 33 rue de la chapelle St Martin, 44115 Haute Goulaine
• Ouvert du mercredi au dimanche midi

www.manoir-de-la-boulaie.fr

Verdict :

Cuisine remarquable

Manoir de la Boulaie/ Laurent Saudeau

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