Festival de la gastronomie de Quintin

"Legendary"

En Bretagne, l’été des festivals est une période attendue de pied ferme, et il est vrai que cette belle région peut s’enorgueillir d’héberger beaucoup de leaders dans des domaines aussi variés que la musique (Hellfest et Vieilles Charrues en tête), les loisirs vidéoludiques (Stunfest), les fêtes maritimes (Festival international de Brest).
La gastronomie n’échappe pas à la régle et jouit elle aussi de son temps fort grâce au Festival de la gastronomie de Quintin situé dans les côtes-d’Armor.

Le festival au coeur du château de Quintin

Depuis plus de dix ans maintenant, le petit village costarmoricain devient le temps d’un week-end un immanquable pour les food lover. C’est en arpentant les rues pavées du centre-ville que l’on accède au Château de Quintin qui abrite historiquement le festival. A la tête de cet évènement, on retrouve le couple Chastel (Olivier et Valérie) qui ont fait d’un simple rassemblement gastronomique local un évènement majeur au rayonnement régional. C’est en partie grâce à eux que chaque mois de juin Quintin se transforme en épicentre de la gastronomie bretonne.

Paradis des gastronomes

Le festival de la gastronomie de Quintin est aujourd’hui une machine bien huilée qui propose du vendredi soir au dimanche un large éventail d’animations et autres rencontres gravitant autour des arts de la table, de beaux produits et des chefs de talent.
Spectacle d’ouverture, feu d’artifice, sculpture sur glace, food battle, entretiens, exposition photos ne sont que quelques unes des moultes activités que le festival déploie pour émerveiller ses festivaliers.

Les braseros chauffent en attendant les démos culinaires

Les jolis producteurs locaux exposent leurs produits et savoirs-faire. Entre deux animations sur les différentes scènes, c’est la fine fleur de la gastronomie bretonne qui déambule dans la cour partageant, échangeant, s’encanaillant verre à la main dans une ambiance très guinguette de luxe, portée par des musiciens qui bercent le moment de mélodies au violon ou à l’accordéon.

Mais au-delà de ce déluge de choses à voir et à faire, les joyaux de la couronne du festival, ce qui fait déplacer les gastronomes avertis de toute la Bretagne sont bien entendu les repas de gala. Le festival propose en effet un repas de gala par jour: un le samedi soir et un le dimanche midi, tous les deux 100% différents. Ces repas de gala réunissent un éventail de chefs bretons plus ou moins connus, plus ou moins talentueux qui le temps d’un menu s’associent pour un repas gastronomique servi dans la grande salle du château.
Cet évènement majeur du festival, comme le vin, oscille entre des millésimes d’exception et d’autres plus anecdotiques, c’est ainsi, et même si les repas de gala sont toujours globalement de belle facture, certaines affiches ont clairement plus de gueule que d’autres et factuellement le nombre d’étoilés associés au menu est malgré tout un excellent indicateur de la qualité du repas à venir.
En ce dimanche 11 juin 2023, le festival avait décidé de mettre tous les potars sur 11 !

All Star Game

Au menu ce midi: Brieg Le Cam, Guillaume Pape, Olivier Bellin, Julien Corderoch, Jérémie Le Calvez et Gwenaël Lavigne.
De l’étoilé, du doublement étoilé, de l’étoilé en devenir ( qui aurait déjà dû l’être depuis longtemps selon nous),c’est tout simplement le Line up le plus incroyable que le festival n’ait jamais proposé en dix ans et le repas fut comme l’on pouvait s’y attendre…. mémorable.

Boudin noir, bulot et artichaut orgé par Brieg le Cam

Brieg le Cam de l’auberge de la vieille église Trégastel sonne directement la charge avec un amuse-bouche cohérent et gourmand au travers d’une belle alliance terre/mer. La merveilleuse trilogie paysanne boudin noir/artichaut crousti-fondant/ mousse d’orge malté trouve un contre-point parfait avec la gelée de bulot vinaigrée qui rafraichit le plat. On notera l’excellente utilisation ici de l’orgé de Yoann Gouery au travers de cette mousse aux accents céréaliers qui développe une amertume diffuse absolument incroyable, attention tout de même à l’avenir, la peau du boudin ici aurait pdu être enlevée. Une entrée en matière digne des plus belles tables bretonnes malgré tout.

Guillaume Pape du restaurant l’ embrun à Brest (même) sert ici une tartelette croustillante d’araignée et mousse de fenouil au feuilletage millimétrique dans laquelle la chair de l’araignée développe ces notes délicates et sucrées. Une sucrosité fine que l’on retrouve également dans la mousse fenouil/corail d’araignée. L’ensemble est frais et gourmand, léger et délicat: vraiment une belle réussite.

Maquereau, lait ribot, bigorneaux et glace criste marine par Julien Corderoch

Julien Corderoch du restaurant Louise à Lorient signe le maquereau au lait ribot, un plat qui fit l’unanimité de notre table. Un plat technique, réfléchi, construit.
Autour d’un maquereau d’une fraicheur absolue « cruit » à la flamme, on retrouve une alliance lait ribot/concombre/bigorneaux/ciboulette absolument divine dans ses tonalités aigrelettes-alliacées qui accompagne parfaitement la délicatesse de la chair du maquereau en presque sahimi.
Le plat trouve pourtant de la gourmandise grâce à l’alliance bigorneaux-crumble de blé noir et la fabuleuse glace à la criste marine apporte une pointe de sucrosité qui enfonce le clou. Un plat digne d’une étoile … une très forte étoile !

Homard, sucrine fumée, celtuce, jus de tête vanillé par Jérémie le Calvez

Plat signature de Jérémie Le Calvez à l’auberge de la pomme d’api le homard bleu rôti au barbecue, raviole de homard, sucrine braisée et jus de tête vanillé est un plat qui n’a plus rien à prouver. Un plat soutenu par un jus parfait qui allie puissance et délicatesse, un jus de tête diabolique aux notes rondes et légérement sucrées. un plat marqué par les notes olfactives de fumée mais qui ont aussi imprégnées gustativement le homard et la sucrine. Le plat trouve de la texture dans le pied de celtuce rôti et dans le ravioli de coude de homard ( même si cette itération du plat proposait selon nous une pâte à raviole légèrement trop épaisse cette fois-ci ) le plat reste et demeure un des grands plats breton de son temps.

Live Stream des dressages durant le repas

Fun fact: le Festival de la gastronomie de Quintin évolue avec son temps et propose des incartades « live stream » en direct des cuisines retransmises sur écran géant. L’occasion de voir les chefs, leur brigade et leurs amis des plats précédents ou suivants (voir des guests: coucou Patrick Jeffroy) venir faire front commun pour dresser les assiettes. Initiative pertinente qui permet de combler les entre-plats et qui permet de voir les coulisses de la cuisine. A refaire et à developper !

Lotte, sureau, baby courgette blanche, sauce au beurre blanc par Olivier Bellin

Olivier Bellin de l’auberge des glazicks
marquera de son empreinte le repas grâce à cette lotte, sureau digne de ses deux étoiles. Un canon de lotte confit dans un beurre à l’exacte juste température donnant à cette lotte l’impression d’être crue, un poisson à la tendreté absolument incroyable. L’ensemble est porté par un beurre blanc/algues/sureau fou et qui apporte une délicatesse florale que le propos développe dans le traitement à cru de courgettes white baby.
Le plat trouve sa puissance gustative dans un pesto de roquette qui dynamise l’ensemble. Oliver Bellin,égal à lui-même, est toujours sur le toit du monde de la gastronomie bretonne.

Assortiment de fromages

Une assiette de fromages, sympathique mais sans plus de personnalité, nous amène doucement vers la fin de ce repas épique.

Fraise et Verveine par Gwenaël Lavigne

Et c’est avec sa « crazy Freizh » que Gwenaël Lavigne d’ô saveurs clôturera le repas. Un dessert fortement marqué par l’esprit: » dessert de boutique ».
Une déclinaison sur la fraise au propos assez hermétique à nos yeux, et dont le confit de fraise (anecdoctique gustativement) aura été à l’image du plat. Un coup dans l’eau pour Gwenaël qui pourtant ici même en 2016 signait un filet de maquereau à l’escabèche, tomates, piquillos et courgette d’un tout autre niveau. Dommage.

La référence

La rapidité avec laquelle le festival affiche « le sold out » pour les diners de gala démontre bien l’engouement très fort qui gravite autour du festival. Ajouter à cela qu’en dehors des repas de gala, le festival est absolument gratuit pour l’ensemble des prestations et animations (hors restauration), qu’il existe aussi d’autres stands, plus petits, typés street-food qui permettent aux gens qui n’ont pas pu accéder aux repas de gala de manger sur le festival. Ajouter qu’au-delà la gratuité d’accés au festival, les prix pratiqués pour les repas de gala sont à considérer comme « modiques » au vu de la qualité et de la quantité des plats proposés (accords mets/vins compris).
On saluera également l’initiative qui consiste à laisser le service en salle aux mains des jeunes collégiens et lycéens de Quintin accompagnés bien évidemment par des pointures de la direction de salle comme Jessica Le Calvez.
Ces petites mains auront livrées une prestation des plus honorables en ce dimanche ensoleillé. On voudra y voir ici la volonté d’Olivier Chastel d’interconnecter son festival et une partie de son vécu professionel en restauration scolaire et nous saluons une telle démarche.

Ajouter à cela une présentation en fin de repas de l’ensemble des chefs revenant sur leurs plats devant les convives; un dressage de table soigné; une volonté de respecter les règles du repas de gala avec un plan de table pré-déterminé permettant ainsi la rencontre, la mixité, un partage des plus sains entre les convives. (Nous aurons pour notre part eu la chance d’avoir à notre table la présence d’un chef nantais et de gastronomes avertis ce qui permis des échanges des plus instructifs)
Vous obtiendrez alors la recette qui permet aujourd’hui au festival d’être leader sur le segment.
En ce dimanche 11 juin, et n’étant pas revenu depuis 2016, nous constatons le chemin accompli et nous ne pouvons qu’attester que le Festival de la gastronomie de Quintin est aujourd’hui la référence en matière de festival gastronomique en Bretagne. Pour autant, nous exortons le festival à continuer dans la voie de l’excellence avec des repas de gala de cet acabit en point de mire ou du moins s’en approchant le plus possible.
Il ne faut pas hésiter pour de tels évènements qui « sold out » en quelques jours à augmenter la barre de tarification pour pouvoir proposer plus, ou du moins mieux (une amélioration de la qualité des accords mets/vins est clairement à travailler)
Hier local, aujourd’hui régional, demain national, rien dans tout ce que nous avons vu n’interdit de voir plus grand, de rêver par exemple pour les années futures à des incursions de grands chefs non Bretons dans un tel festival.
Statutaire est aujourd’hui le festival, mémorable fut le repas, grandiose s’annonce l’avenir si les volontés et les moyens se rejoignent.
Le festival réouvrira ses portes pour la 12éme édition du 31 mai au 2 juin 2024.

Verdict :

Cuisine de haut standing

Festival de la gastronomie de Quintin

par Feed-Me
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