Du beurre sur la table !

"Les absents ont toujours tort"

Vous avez tort !

Quelle que soit la façon dont vous décidiez d’aborder le problème, vous faites fausse route alors je vous le redis vous avez tort !
Car rien ne viendra jamais vous donner raison, ni vous rendre justice quand vous décidez d’arpenter ce chemin. Et je vais tenter de vous le démontrer. Ici, maintenant, une bonne fois pour toute pour que peut être demain vous regardiez en arrière en vous disant  » effectivement c’est pas faux ».
Au banc des accusés ce soir, le divin blond, l’or de la Bretagne, celui qui vous accompagne tout le temps, chez vous, dans votre cantine, dans vos sandwichs, à la mer, à la campagne, celui que vous avez appris à aimer, celui sans qui il n’est pas de bon repas !

beurre la Butte

Déclinaison de beurres et matières grasses au restaurant étoilé la Butte

Et pourtant si ce pamphlet vise particulièrement ceux qui ont décidé d’oublier ce qui constitue un des pans les plus évidents de leur terroir, il est aussi valable pour tout le monde. On se rappelle encore des choix peu judicieux de Thierry Marx lors de l’ouverture de son restaurant « Sur Mesure » au Mandarin Oriental, si peu judicieux qu’ils furent amendés peu de temps après comme quoi…
Cette lettre ouverte à tous ceux qui, en Bretagne notamment, ont décidé de ne pas servir de beurre sur leurs tables gastronomiques, ou pas d’ailleurs. A vous tous, je vous le dis avec la plus profonde sympathie et la plus grande déférence: Ce choix ne vous honore pas.
Alors pourquoi ces quelques irréductibles (car heureusement ils sont la marge de la marge) ont choisi de ne pas proposer de matière grasse sur leurs tables ?
Certains brandissent encore haut les étendards de la théorie: « Ici on arrête de mettre du beurre sur la table, vous comprenez sinon le client ne fait que manger du pain-beurre entre les plats et du coup il n’a plus faim pour l’essentiel ».
Tout d’abord, merci de vous rappeler que le client fait ce qu’il veut quand à la façon dont il gère son appétit, son temps, ses goûts bref son repas! Si il est assez bête pour effectivement se goinfrer de pain-beurre et ne peut finir le deuxième plat, c’est son problème pas le vôtre. Peut-être, s’il est assez intelligent, se dira t-il que régler 150€ pour ne manger qu’un tiers des plats, c’est quand même très con alors la prochaine fois il pensera à mieux moduler sa consommation. Lui interdire le beurre, et donc à tous les autres de fait (oui, nous, la grande majorité silencieuse qui connaissons nos limites et l’ampleur de notre appétit), c’est lui interdire surtout de se construire !
Vous l’empêchez d’apprendre de ses erreurs, de connaitre ses limites…
A la police du bon goût je préfère le choix de l’erreur personnelle car c’est grâce à elle que je progresse et que je m’enrichis.
C’est donc mettre au pas l’immense majorité des clients qui savent gérer leur appétit sous couvert qu’une demie douzaine d’inexpérimentés ne le savent pas. Allez hop pas de question, ici c’est régime sans beurre pour tout le monde.
Pour le double effet Kiss cool, c’est par là. Car ,en décidant de ne rien servir, vous assurez surtout ne rien apprendre à votre client! Car pour peu que vous « sourciez » votre beurre, en le proposant vous transmettez

  1. Un goût (étonnant comme concept n’est ce pas dans un restaurant gastronomique ?)
  2. Une histoire: les hommes derrière le produit ( là aussi on connait pourtant le lien si étroit qui unit les producteurs aux chefs, faut croire que les producteurs de bon beurre ont de facto moins d’exposition que le bon petit pécheur ou le beau petit maraîcher)
  3. Un lien vers le dit producteur, qui si le produit a touché le cœur de vos clients pourront continuer à aller se le procurer même en dehors de votre restaurant, faisant donc de vous le relais vertueux d’une économie locale.

Mais peut-être n’aviez-vous jamais vu les choses sous cet angle quand vous avez arbitrairement décidé de ne tout simplement pas servir de beurre à table, geste presque insignifiant et pourtant lourd de sens.

beurre Toya

Beurre à base de crème double et lait fermenté servi au restaurant Toya

Pain & beurre/Bonnie & Clyde

Car bien entendu ces mêmes chefs qui ont décidé d’amputer une partie de la liberté de leurs clients (ba oui y a un moment faut voir les choses sans filtre) en leur proposant le choix entre rien et rien. Ces mêmes chefs donc (certains d’entre eux du moins) vont par contre vous proposer un choix pléthorique de pains faits maison, tous plus bons les uns que les autres.
Pourquoi ?
Pourquoi faire un tel effort de créativité, d’engagement technique, de maîtrise dans le domaine de la boulangerie ? Vous nous proposez une demie douzaine de pains mais pour quoi faire? Je vous pose la question en toute honnêteté. Pour les manger comme ça tout seul ? sans accompagnement? êtes- vous sérieux là ? A quel moment la logique est-elle partie en vacances? Car si le beurre peut encaisser le fait de « favoriser » la consommation de pain, ce qui gâte l’appétit n’a jamais été le beurre mais bel et bien le pain! simple évidence que je vous lance comme ça au passage, c’est cadeau !
Donc on reprend: Vous passez des heures dans votre cuisine, pour pouvoir proposer des pains de concours ou, si vous ne les faites pas vous-même, vous avez choisi le bon boulanger au top du Game pour pouvoir proposer à vos clients le meilleur produit possible; lui offrant ainsi la possibilité de se goinfrer de pain, mais nature s’il vous plait ! Faut pas déconner !
Qui est coupable de quoi dans l’histoire ?
Certains me diront: »Ne soyez pas bête c’est évidemment pour saucer ! » Ha ouais ! et vous saucez vos entrées froides ?
Tous vos plats peuvent-ils être saucés ? Pour peu que vous soyez issus d’un courant de cuisine qui proscrit les sauces, pour le coté healthy/Le gras c’est mal/ tous ça tous ça, (sisi y en a) et bien dans ce cas-là, vous en faites quoi de votre pain de concours testé en soufflerie ? vous le mangez donc sans rien.

Vous avez déjà essayé de rouler sans pneu ? d’écrire sans crayon ? de manger sans couverts ? de marcher avec une seule chaussure ? Ça marche moins bien on est d’accord ! c’est exactement pareil pour le pain et le beurre

Si vous décidez de le bannir, allez au moins au bout de votre philosophie et bannissez aussi le pain, vous aurez au moins la justesse du propos.
Enfin, je vous donne dans le désordre d’autres arguments tout aussi fondamentaux qui mériteraient d’être développés.

  • Ne pas faire l’effort de proposer du beurre en Bretagne relève du crime de lèse majesté, car trahissant si ce n’est votre histoire (pour peu que vous ne soyez pas breton d’origine, personne n’est parfait), du moins le terroir et territoire dans lequel vous exercez votre métier, c’est donc inexcusable.
  • Ne pas faire l’effort de servir du beurre à table dans une table gastronomique, c’est quelque part ne pas jouer le jeu à 100% pour vos clients, être un peu « petit bras » quand à l’effort de découverte et de « sourcing »dans lequel vous êtes pourtant engagé.
  • Les producteurs de talents ne manquent pas et même si on ne vous demande pas de servir du beurre du Ponclet sur vos tables, il existe sûrement un petit GAEC près de chez vous, ou un producteur plus ou moins connu qui vous pourvoira en beurre de qualité! N’oubliez pas que vos clients viennent chercher de la découverte. Ils viennent manger mais également se nourrir intellectuellement et pour certains (notamment ceux qui débutent et qui sont donc vos clients de demain,) même les noms de grosses écuries si ronflantes et moyennement intéressantes soient-elles (qui a dit Bordier ?) restent malgré tout du domaine de l’inconnu. Une partie de votre rôle est d’éduquer votre clientèle. Or,il est très difficile de retenir une leçon que l’on ne vous a pas apprise !

Le beurre du Ponclet distillé au compte goutte, ici au Clarence

Sur ce, Messieurs et Mesdames, j’espère que vous aurez trouvé ces quelques mots éclairants et non dénués d’intérêt, que vous soyez visé ou non par le sujet !
A méditer

Verdict :

Du beurre sur la table !

par Feed-Me
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